[Spectacle] Sary an-kira sinoratra

Un poète, un photographe et un musicien ont combiné leurs talents respectifs pour créer un spectacle intitulé Images musicales écrites. 600 photographies en noir et blanc de Philippe Gaubert sont venues s’afficher sur le grand écran de l’amphithéâtre, évoquant différents aspects de Madagascar. Les textes poétiques et analytiques du poète Andrianetrazafy Hemerson sont déclamés en malgache – et sous-titrés en français à l’écran – accompagnés par la musique de Rola Gamana pour plonger durant une heure le public, dans un voyage culturel et artistique des plus envoûtants.

Philippe Gaubert, photographe/réalisateur :

On se souvient des images mais on les comprend mieux quand la musique supporte l’émotion et parfois la provoque. L’idée de ce spectacle est de réunir les formes d’expression visuelles et musicales dans une création où elles entrent en résonance et guident le spectateur et son imaginaire comme un fil conducteur d’un voyage aux pays des ancêtres.

Mon approche de la photographie n’est pas ethnique, elle est plutôt documentaire et sociale. J’ai travaillé pendant de nombreuses années sur la mémoire d’un peuple et de son territoire, et la façon dont ces coutumes et cette culture se transmettent d’une génération à l’autre. Je suis allé sur place voir ce qui se passait et explorer dans sa plénitude toute la richesse humaine du peuple malgache et de sa culture. J’ai observé les Olombelona (personne vivante) dans leur quotidien et dans la pratique de leurs rituels( Tromba, Tsanga saina, Bilo, Tolaza, Famadihana, Sambatra, Hira Gasy, Joro, Funérailles Vezo…). Ils ont été pour moi un fil conducteur à travers une multitude de rencontres et de sujets quelquefois présentés au public, souvent restés dans mes archives: les sœurs, la prostitution, les prisons, les hôpitaux psychiatriques, les villes, la rue. C’est un corpus de plus de quinze mille images que j’utilise à dessein en fonction des projets, dans un souci constant de préserver une mémoire, de garder une trace de ce qui tend à disparaître ou à se transformer, voire parfois, à se folkloriser. Une approche humaniste à la rencontre des gens ; photographier le réel, les moments que je vis et partage avec l’autre, capturer une ambiance, un ressenti, une émotion, capter les sentiments pour acter la mémoire.

C’est à Rola Gamana que j’ai proposé ce projet qu’il a immédiatement accepté, ça ne m’a pas surpris. Cet artiste engagé explore depuis plusieurs années la complexité sonore du patrimoine musical de la Grande île, conjuguant compositions modernes et influences  musicales des différentes régions de Madagascar. Ses compositions musicales et sonores sont comme des échos qui viendront éclairer les situations photographiques servant de passeur d’âmes et passeur de mémoires afin de dérouler le fil de ce voyage au pays des ancêtres. Plus de cinq cents photos qui seront le contexte dans lequel Gamana crée sa musique en live. L’ambition du spectacle visuel et sonore sera de dévoiler la dimension musicale de l’imaginaire et de l’œuvre du photographe, fusionnant les images noir et blanc, les sons et la musique, racontant une histoire à partir des photos, et composer une toile qui raconte un voyage.

Andrianetrazafy Hemerson, Artiste plasticien, Poète, Historien et anthropologue a travaillé sur mes photographies sur la thématique de « Olombelona » publié en 1998 ; son approche de Hira Sary Sinoratra sera à la fois poétique et analytique. La démarche se voudra pluridisciplinaire puisque seront abordées les dynamiques marquantes de la société malagasy à la charnière du XXème et du XXIème siècle. Il abordera le quotidien rapporté par les images du point de vue de l’histoire, de l’anthropologie, de la sociologie…Sa prestation sera bilingue, puisqu’il va composer ces poèmes, synchronisés à la musique et à l’image, en malagasy et/ou en français. Madagascar, terre de contrastes et de contradictions ne cesse d’étonner par ses richesses et sa diversité. Le temps semble se figer tant l’histoire est omniprésente dans un paysage social qui ne cesse pourtant de se mouvoir à petit coups de changements. Les différents thèmes présentés seront visités à l’once de mon ressenti dans sa double dimension objective/universitaire et subjective/artistique.

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